"Un gigot d’agneau et un enfant de six-sept ans. A point. Et ce sera tout, j’suis un peu ballonné."
- Sébastien Chabal
Bam !
L’Afrique hurle.
Bam !
Elle implore qu’on l’achève.
Bam !
Elle crie sa haine.
Bam !
Sa haine du mal qu’on lui a fait et qu’elle s’est fait à elle-même.
Bam !
"Arrosez-moi de sang, de merde, de pisse, de vomi et de sperme" lance-t-elle.
Bam !
A ce Dieu qui l’a tant aimée et tant châtiée.
Bam !
L’Afrique hurle.
Bam !
Et la salle applaudit. Certains se lèvent. C’est ce qu’on fait dans ce genre d’occasion. Mais l’esprit est ailleurs, ou plutôt, il est resté dedans. On applaudit par réflexe. On applaudit pour ne pas vomir, pour ne pas pleurer, pour ne pas crier. On applaudit la prestation, forcément, démente. Mais le spectacle n’est pas fini. Malheureusement. Il continue de tournoyer dans nos têtes. On est tous un peu ivres, chancelants. Quand les applaudissements cessent, les corps sortent en file indienne. Mais l’esprit est ailleurs. Il est resté dedans. La salle recrache les corps tels qu’elle les avaient ingérés. On ne peut pas en dire autant des esprits. Chamboulés, torturés, violés. Sûrement pas plus légers.
Les "Bam !", c’étaient les coups de mortiers frappés par Dorcy Rugumba. Dorcy Rugumba, c’est un rescapé du Rwanda, et l’auteur de la pièce. La pièce, c’est Bloody Niggers !. Bloody Niggers !, c’est au-delà des adjectifs qualitatifs, c’est juste essentiel.
Je n’en dis pas plus. C’est aux trois interprètes de Bloody Niggers ! de vous en parler.
WAAMOS !
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Quelques liens, ici et là, et là aussi (le dossier de presse), pour en savoir plus. Si vous le pouvez, courez-y. S’il-vous-plaît.
WAAMOS !
Comme si, si t’avais la haine
C’était marqué dans tes gênes
Comme si une empreinte digitale
Leur parlait de ta ville natale
Comme si, en regardant tes dents
On devinait ton comportement
Comme si, en matant ta pisse
On pouvait deviner tes vices
Mais pour peu qu’ils inspectent ta merde
Ils verront que leur reflet dans le miroir
Et comme tant d’autres ils te perdent
Au fin fond d’un vieux tiroir
Pour eux, tu vaux pas mieux
Que le contenu de leur corbeille
Et si tu restes chez toi
Et si tu les emmerdes pas
Eux, dans leurs pieux
Ils dorment sur leurs deux oreilles
Allez, t’en fais pas, frérot
Ils cherchent au mauvais endroit
Parce qu’ils n’ont pas en haut
Ce que tu utilises, toi
Ca fait longtemps dans ces bureaux
Qu’on a pas vu traîner un cerveau
Et même si ça te dégoûte
Sache, pour t’ôter un doute
Que rien ne sert de dormir sur ses deux oreilles
Si on n’a rien entre qui servira au réveil…
WAAMOS
Parce que Yorick est le seul survivant d’un fléau inexplicable (épidémie, malédiction, attaque terroriste ?) qui, en une heure, tue tous les porteurs du chromosome Y sur la planète. Tous les hommes. Tous les mâles. Tous. Sauf Yorick, et son singe.
C’est là toute la question que pose Y : The Last Man, le comic-book de Brian K. Vaughan et Pia Guerra. Pourquoi diable Yorick et son singe ont-ils réchappé au fléau ? C’est ce qu’ils vont tenter de découvrir, aidé par une agente ultra-secrète chargée de le protéger et une scientifique spécialisée dans le clonage.
Tout seul dans un monde peuplé uniquement de bonnes femmes. Pour beaucoup, ce serait le bonheur. Le pitch idéal du film porno idéal. Mais non, premièrement Yorick reste caché, parce que nombre de femmes qu’il croise sur sa route préféreraient le voir mort que tout nu tout fier. Ensuite parce que le monde régi par les femmes est loin d’être idyllique : la planète est sans dessus-dessous et une troupe de lesbiennes folles furieuses, les Amazones, font régner la terreur dans toute l’Amérique.
Pourquoi il baise pas ?...
Eh ouais, pourquoi il couche pas, ce con ?! Parce que Yorick n’a qu’une idée en tête : retrouver sa petite copine, Beth, paumée à l’autre bout de la planète, et qu’il s’était promis d’épouser peu avant que le fléau surgisse. Et Yorick est un grand romantique, fidèle et tout et tout… Quoique…
Pourquoi il faut le lire ?...
Un : Vaughan est, de l’avis de ses pairs, un des meilleurs scénaristes de comics actuels. Outre Y, il a aussi créé Ex Machina, l’histoire d’un super-héros devenu politicien, et Runaways, la cavale de jeunes aux super-pouvoirs qui découvrent que leurs parents sont des super-vilains. (Super.) De plus, il a rejoint la team de Lost, la série la plus intelligente du moment, dont il a déjà signé un épisode à la fin de la saison 3. Deux : Y est indéniablement la meilleure idée des dix dernières années et pas seulement. La série torpille les clichés ("ah, si le monde était dirigé par des femmes, le monde irait mieux !" > niet !), assène les dialogues vifs et acérés (la marque de fabrique de Vaughan) et est intelligemment ultra-référencé (il faut une licence en littérature anglo-saxonne pour comprendre certaines piques).
Pourquoi vous allez le lire ?...
Parce que je vous garantis (promis-juré-craché) qu’en à peine deux pages, vous serez déjà fans : le premier épisode fonctionne comme un compte à rebours haletant avant le fléau et nous plonge directement dans l’univers de la série. Et si j’vous dit qu’c’est génial, merde !
WAAMOS !
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Y : le Dernier Homme – écrit par Brian K. Vaughan et dessiné par Pia Guerra – en albums chez Panini Comics