samedi 8 septembre 2007

POURQUOI LUI ?...

C’est l’histoire d’un mec. C’est toujours l’histoire d’un mec, allez-vous m’dire ! Oui, mais là, c’est vraiment l’histoire d’un mec. (Et de son singe.) Un mec et c’est tout.

Pourquoi un mec ?...
Parce que Yorick est le seul survivant d’un fléau inexplicable (épidémie, malédiction, attaque terroriste ?) qui, en une heure, tue tous les porteurs du chromosome Y sur la planète. Tous les hommes. Tous les mâles. Tous. Sauf Yorick, et son singe.

Pourquoi eux ?...
C’est là toute la question que pose Y : The Last Man, le comic-book de Brian K. Vaughan et Pia Guerra. Pourquoi diable Yorick et son singe ont-ils réchappé au fléau ? C’est ce qu’ils vont tenter de découvrir, aidé par une agente ultra-secrète chargée de le protéger et une scientifique spécialisée dans le clonage.

Pourquoi c’est la merde ?...
Tout seul dans un monde peuplé uniquement de bonnes femmes. Pour beaucoup, ce serait le bonheur. Le pitch idéal du film porno idéal. Mais non, premièrement Yorick reste caché, parce que nombre de femmes qu’il croise sur sa route préféreraient le voir mort que tout nu tout fier. Ensuite parce que le monde régi par les femmes est loin d’être idyllique : la planète est sans dessus-dessous et une troupe de lesbiennes folles furieuses, les Amazones, font régner la terreur dans toute l’Amérique.

Pourquoi il baise pas ?...
Eh ouais, pourquoi il couche pas, ce con ?! Parce que Yorick n’a qu’une idée en tête : retrouver sa petite copine, Beth, paumée à l’autre bout de la planète, et qu’il s’était promis d’épouser peu avant que le fléau surgisse. Et Yorick est un grand romantique, fidèle et tout et tout… Quoique…

Pourquoi il faut le lire ?...
Un : Vaughan est, de l’avis de ses pairs, un des meilleurs scénaristes de comics actuels. Outre Y, il a aussi créé Ex Machina, l’histoire d’un super-héros devenu politicien, et Runaways, la cavale de jeunes aux super-pouvoirs qui découvrent que leurs parents sont des super-vilains. (Super.) De plus, il a rejoint la team de Lost, la série la plus intelligente du moment, dont il a déjà signé un épisode à la fin de la saison 3. Deux : Y est indéniablement la meilleure idée des dix dernières années et pas seulement. La série torpille les clichés ("ah, si le monde était dirigé par des femmes, le monde irait mieux !" > niet !), assène les dialogues vifs et acérés (la marque de fabrique de Vaughan) et est intelligemment ultra-référencé (il faut une licence en littérature anglo-saxonne pour comprendre certaines piques).

Pourquoi vous allez le lire ?...
Parce que je vous garantis (promis-juré-craché) qu’en à peine deux pages, vous serez déjà fans : le premier épisode fonctionne comme un compte à rebours haletant avant le fléau et nous plonge directement dans l’univers de la série. Et si j’vous dit qu’c’est génial, merde !

WAAMOS !

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Y : le Dernier Homme – écrit par Brian K. Vaughan et dessiné par Pia Guerra – en albums chez Panini Comics

LA CITATION (1)



"Ah, joli temps pour se prendre une balle !..."


- John Fitzgerald Kennedy
Dallas
, 22 novembre 1963

LETTRE (D')A MOORE

Cher monsieur Moore, ou plutôt Michael pour les intimes, tiens,

Tu ne me connais sûrement pas, mais je t’écris cette lettre pour te déclarer ma flamme ! Notre première rencontre s’est faite par écran interposé. C’était Bowling for Columbine. Je suis sorti de la séance avec encore la marque de la grosse baffe que tu venais de m’infliger, avec ton petit sourire en coin. C’est tout toi ça : le petit gros qui paye pas de mine, mais qui t’attend à la sortie de l’école avec le visage enjoué et l’œil brillant pour t’en foutre une alors que t’as rien demandé. Et ce film m’a fait cet effet. Et les films comme ça sont rares. Il y a peut-être Requiem for a Dream aussi, et quelques autres. Ces films dont les deux heures de durée te remuent comme un tambour de lave-linge en mode essorage. Et quand tu sors, quelque chose a changé, quelque chose a été cassé. Personnellement, si je voulais caractériser ce que m’a fait Bowling…, je dirais qu’il a troqué mon ancienne paire d’yeux contre des nouveaux, plus acérés, plus perçants, mais un peu plus désabusés aussi. C’est rare qu’un film continue de te remuer des années après l’avoir vu. Les tiens sont de ceux-là. La séquence des caméras de surveillance, sur fond d’appels d’urgence paniqués, où on voit ces deux abrutis tirer dans le tas comme dans un shoot-‘em-up est une des plus poignantes que j’ai pu voir sur un écran de cinéma. C’était horrible parce que c’était du cinéma, c’était beau parce que c’était vrai. Ou le contraire. Ca a duré trois minutes. Trois minutes qui m’ont semblé une seconde et une éternité. Le monde était là, en face de moi. Et j’avais peur de ce dont il était capable. Et j’étais rassuré que quelqu’un me le montre.

Tu ne me connais sûrement pas, mais je dois avouer que je connais tout de toi. Parce qu’après la claque Bowling…, mes yeux tout neufs en redemandaient, ils voulaient revoir ça, ils avaient soif. Mais pas cette soif morbide de regarder les infos telles qu’on nous les montrent, avec ce recul clinique malsain : la soif de savoir, de ressentir, de voir le monde. Tel qu’il est. Alors, bien sûr, tes détracteurs, de plus en plus nombreux, te reprochent ce qui justement, est à porter à ton crédit : tu n’es pas impartial, tu n’as pas la moindre once d’objectivité, tu manipules, tu transformes, tu mens, tu exagères. Oui, et c’est ce qui rend ton travail aussi unique et essentiel. On s’en fout que tu ne fasses pas de vrais docs, d’ailleurs, tu n’es pas documentariste, même pas journaliste, tu es pamphlétaire. Tu nous donnes à manger des caricatures, tu en es une toi-même. Tu fais du cinéma, pas du documentaire. Et c’est pour un film de cinéma, et non un doc, que tu as reçu la Palme. Tu fais des films où un humain parle à d’autres humains, pas un énième doc impartial qui ne montre rien et ne dit rien à personne. Tes films font réagir, ils sont drôles et ils sont tristes, ils sont imparfaits, comme la vie. Et c’est la vie que tu nous donnes à voir.

Tu ne me connais sûrement pas, mais on s’est déjà croisé deux fois sur la Croisette. La première à la sortie de l’unique séance de Fahrenheit 9/11. Je errais un peu tourneboulé par ce que je venais de voir, mes mains encore engourdies des quinze minutes de standing-ovation. Et je me retourne, et tu étais là, dans ta voiture. J’ai reconnu ta bouille de pingouin derrière la vitre teintée. Et je t’ai dit la première chose qui me venait à l’esprit, et probablement la seule que je voulais vraiment te dire : "Thank you !". Tu m’as souri, et la voiture a redémarré. Notre deuxième rencontre, c’était cette année, le jour de la première de Sicko au Festival. Devant la mairie, dans des costards aux quatre vents, on allait rejoindre un bus. Il était une heure du matin, et on t’a croisé, toi, ta femme, et deux-trois gardes du corps. Là, je n’ai rien dit. Non pas que Sicko ait été une bouse, au contraire : mais l’air de rien, sans la vitre teintée entre nous, j’étais impressionné. Ouais, comme un gamin. Alors j’ai dû faire coucou de la main, comme à un vieux pote, et je suis allé sauter dans un bus.

Tu ne me connais sûrement pas, et au fond, on s’en fout, mais je voulais te dire merci pour ma nouvelle paire d’yeux. Grâce à elle, mon cerveau marche mieux…

WAAMOS !


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Sinon, Sicko est en salles, et il est sacrément bien ! Le passage en France est hilarant (quand on le prend au second degré, et c’est le but !). Courez-y ! Les autres films de Moore sont disponibles en dvd, ses livres en librairies, et son site sur la toile (c’est bien foutu, non ?) : http://www.michaelmoore.com/.