Dexter, c’est la petite voix au fond de nous qui se dit "Il mériterait de mourir celui-là". Et si Dexter franchit la ligne rouge que la société nous interdit de traverser, c’est parce qu’il n’est pas humain. Dexter n’est pas un homme, c’est un concept. Aussi passe-t-il le plus clair de son temps à mimer le comportement humain, avec sa sœur, sa petite amie, ses collègues, à tenter du mieux qu’il peut de ressembler à ce qu’il n’est pas : un être doué de sentiments. Et pourtant… L’arrivée dans sa vie du Ice-Truck Killer (le Tueur de Glace chez nous), serial-killer qui vide des prostituées de leur sang avant de les découper et d’en congeler les abats, va bouleverser son petit univers et le mettre face à lui-même, ou plutôt lui révéler l’existence d’un lui-même.
Oui, parce que ce qui aurait pu paraître à prime abord une diatribe pro-peine de mort assez discutable n’en a ni le goût ni l’odeur en cela que le série est plus intelligente que ça. Elle ne pose jamais la question du bien et du mal (7 à la Maison s’en occupe pour elle) et interroge sur la complexité de la nature humaine, de la société qui le façonne, sur leurs limites réciproques et surtout sur le moment où l’impuissance de l’un force l’autre à prendre la relève. En gros : qu’est-ce que l’individu peut faire que le groupe ne peut pas (moralement, légalement, physiquement) et vice-versa. Alors, oui, comme ça, ça paraît prise de tête comme tout, mais tout comme Dexter paraît être le gendre idéal.
En fait, la série est à ce point magnifique qu’elle parvient à disséminer ces réflexions derrière une forme qui a plusieurs fois chez moi provoqué des inondations de sous-vêtements ! Premières gouttes de joie d’urines : la musique, de Daniel Licht et Rolfe Kent, tout dans la retenue et l’angoisse pernicieuse, couplée à des morceaux de musique cubaine (Miami oblige) qui viennent contrebalancer avec l’horreur de certaines scènes. Car le ton de la série est pour beaucoup dans son originalité. En témoigne la scène où, avant de mettre à mort un couple de passeurs criminels, Dexter, curieux, les interroge sur la recette miracle du couple qui marche. Ensuite, visuellement, ça fait plaisir à la rétine : tout est léché, surtout les quelques scènes gores, crispantes bien comme il faut (la chambre d’hôtel tapissée de sang !!!). Et après, bon, tout est parfait, aussi bien le rythme, qui ne flanche jamais, que la distribution, excellente.
Et puis il y a Michael C. Hall. Décidément de tous les chefs-d’œuvre télévisuels (c’était lui le génial frère pédé refoulé de Six Feet Under -voir article plus tôt dans le blog-), il campe Dexter Morgan avec un brio époustouflant. Et je m’indigne ici : c’est une honte innommable qu’il n’ait pas été nominé aux Emmy Awards, récompense qui lui revient de droit de l’avis général. Hall est une évidence pour le rôle, tant il joue juste sans jamais pencher dans la caricature, à savoir : soit le psychopathe au regard de psychopathe qui se comporte comme un psychopathe, soit le pauvre gamin traumatisé par une expérience atroce dans sa petite enfance (quoique... et encore, ce n’est pas aussi simple que ça, et c’est d’ailleurs tout le sujet du dernier épisode de la saison). Il joue Dexter comme si c’était le gentil voisin qu’on invite souvent à boire un verre et on devient son complice amoral car volontaire à travers les petits regards caméra qui closent régulièrement les épisodes. D’ailleurs, Dexter est à bien des égards le petit frère contemporain du Norman Bates de Psychose ou du Mark Lewis de Peeping Tom (très grand film génial de Michael Powell, inconnu de tous sauf de Martin Scorcese, ce qui n’est pas rien). Comme eux, Dexter n’est pas juste un malade décérébré qui s’est mis à jouer avec un couteau, il est n’importe lequel d’entre nous si toutes les conditions avaient été réunies pour qu’on devienne un meurtrier pleinement conscient de ses actes. Il est ce qui se terre en chacun de nous, ce qui nous effraye en nous, et le plus remarquable avec la série c’est que cette part d’ombre finit par nous être sympathique. En témoigne la dernière scène de la première saison, synthèse festive de toutes les problématiques de la saison.
En gros, regardez Dexter, par le biais que vous voudrez, légal ou pas, tout le monde s’accorde à dire que c’est la meilleure série de l’année. Pour finir de vous convaincre, vous pouvez aller mater quelques teasers de la saison un (>ici<> ici<) ou celui de la saison deux (> ici<).
WAAMOS !